[L’histoire qui suit a remporté le premier prix du concours de fanfiction organisé par les créateurs du jeu de rôle par forum Edenya. Le premier prix n’était autre que la BD de Koulou, « Le Monde de Titus » spécialement dédicacé pour l’occasion. Les illustrations qui ornent ce récit sont l’œuvre de SAD. Un grand merci à tous.]
Chapitre 6 : Comment Siks Fiteunder fut latté
« Vite ! Vite dépêchez vous de refermer la porte, ils arrivent ! » Bêlait Linel le Faune en pleine panique.
Nous tirions de toutes nos forces, Azgor, Grobil et moi-même sur cette foutue porte qui aurait due être rabotée. En même temps, il est vrai qu’une entrée de caveau n’est pas censée servir très souvent et l’on peut donc comprendre qu’elle fut si dure à refermer.
C’est donc non sans mal et juste au moment où un zombie arrivait à une foulée de la sortie que nous parvînmes à tirer la porte. La fermeture provoqua un vacarme énorme dans le cimetière, un écho se répercutant de pierre tombale en pierre tombale.
« Fiouuu ! C’était moins une ! » Conclut Azgor le Zorg’Arul.
Nous étions sortis tous les six de cet enfer sinistre et reprenions notre souffle. La panique nous avait fait complètement oublier les raisons de ce réveil soudain des morts de Vahal : l’invocation des nécromanciens de la guilde de Prozak. C’est Diding qui la première repris ses esprits.
« Les nécromanciens ! Les nécromanciens ! Ils nous encerclent !
- Ah oui, c’est bien vu ça Diding, complimenta le minotaure. On dirait qu’il va falloir jouer des coudes et des sabots pour sortir vivant du cimetière.
- C’est clair, dis-je d’un ton placide mais non sans avoir remarqué la drôlerie des propos de Grobil.
- Là-bas regardez ! S’exclama Azgor en montrant du doigt un type encapuchonné. Il a invoqué des squelettes qui jouent des claquettes ! C’est fou !
- Oui… C’est Siks Fiteunder. C’est certainement lui le meneur. C’est lui qu’il faut liquider, nous expliqua Oveychian d’une voix qui ne trahissait aucune émotion. »
Comme tout le monde avait parler sauf Linel, nous nous tournâmes presque simultanément vers lui pour voir s’il était toujours à nos côtés. Ses genoux jouaient des castagnettes et il passait nerveusement sa main droite entre ses cornes. Sans doute réfléchissait-il à un moyen de fuir sans passer pour un lâche.
« Bêêê quoi ? Qu’est-ce que vous avez à me regarder comme ça ? »
Grobil se désintéressa assez rapidement du Faune qui avait la frousse comme une brebis craignant les loups. Il dégaina une nouvelle fois son cimeterre qui à la lumière du jour dégageait des éclats rouge vifs comme des flammes. Aucun doute, il s’agissait d’une lame enchantée. Il brandit son arme et sans prévenir donna l’assaut.
« A l’attaque ! »
J’allai le suivre armé de mon pied de biche, prêt à en découdre avec ces nécromanciens dont j’avais toujours trouvé les mœurs hyper malsaines mais un bras vint se mettre en travers de mon torse. C’était celui du Zorg’Arul.
« Si tu ne veux pas finir rôti comme une dinde ne passe pas dans mon champ de tir !
- Ton champ de quoi ? T’es un Nain, sort ta hache, va au charbon ! Fais comme moi. Me dis pas que tu tire à l’arc comme une Elfette quand même ! »
De sa main libre, Azgor projeta une boule de feu en direction de l’un de nos assaillant. Son projectile dépassa Grobil qui était en pleine course et fit mouche. Paf ! En plein dans la gueule d’un type au longs cheveux de jais et à la mine patibulaire. S’en suivirent plusieurs scènes d’une violence inouïe qui me rappelait presque les batailles de mon ancienne vie.
Se débarrasser des sous-fifres de Siks ne nous prit qu’un court instant et nous en vînmes rapidement à encercler celui qui s’était autoproclamé Grand Nécromant de Vahal. Tous les six nous étions autour de lui. Linel derrière, en fourbe craintif, Grobil en face avec son épée rougeoyante et à présent sanguinaire. Une joute verbale débuta entre le minotaure et le grand méchant Siks.
« Ah ah ! Que croyez-vous ? De six vous ne serez pas assez pour me vaincre ! Je suis le plus fort des nécromanciens de Vahal !
- Certes ! Mais le plus naze des Vahaliens ! Rends toi ou meure Siks Fiteunder !
- Aucunement impressionné n’est le Grand Nécromant par vos balivernes. Les Chevaliers Abscons ne sont qu’un ramassis de bouses de vaches.
- Wouwww ! C’est là ce que tu as trouvé de mieux ?
- Non, voilà ce que j’ai de mieux à vous proposer ! »
D’un geste ample, le nécromancien sortit de sa manche un kukri avec lequel il semblait vouloir nous découper en rondelles. Nullement effrayé je pris la parole :
« Allons bon ! Serais-tu à court de sorts que tu t’en remettes à une simple dague ?
- Ignare, me répondit-il en mettant vingt bon R de trop à ce mot.
- C’est le kukri de Snobac, Nibelund ! Avec cette arme en sa possession nous ne pouvons rien contre lui » m’expliqua Oveychian qui illustra ses propos en balançant une dague de jet en direction de Siks. La dague de l’Elfe fut stoppée nette à quelques pas de sa cible. « Cette dague confère une protection totale à son détenteur contre les attaques de Chevaliers Abscons. Malheureusement. »
Le nécromancien semblait se délecter de ma mine déconfite. Son sourire laissait apparaître des dents pourries par les feuilles de tabac et les bêtises de Vahal [1]. Son regard perçant laissait entrevoir le fond de ses pensées. Aucun doute, il nous prenait pour des poires et j’ai toujours détesté être pris pour une poire. Sans prévenir je fonçais sur lui pour lui enfoncer mon pied de biche dans les côtes. Celles-ci se brisèrent. Puis un très bref instant après, se furent les poumons et le cœur de Siks Fiteunder qui se percèrent sous la violence de mon assaut. Dans le même temps je hurlai :
« JE NE SUIS PAS UN CHEVALIER ABSCONS ! PAS DE CHANCE POUR TOI GROS MANCHE ! »
Je retirai mon arme de fortune de la carcasse fumante de cet abruti gisant sur le sol avant de me tourner vers mes camarades de jeux. Ils paraissaient tous estomaqués par mon geste sauf Linel qui lui se cachait encore les yeux.
« Bon, maintenant que j’ai réglé son compte à ce blaireau, faudrait peut-être qu’on se mette en route non ?
- Oui ! En route, ordonna Grobil. Et avec un guerrier comme toi Nibelund, les hommes de Prozak n’ont qu’à bien se tenir !
- Quoi ? Mais… Siks est mort ? Nibelund a réussi ? Eh ! Attendez-moi ! »
Et Linel nous rattrapa dans l’allée du cimetière que nous nous dépêchâmes de quitter.
***
[1] Une sucrerie très en vogue dans les ruelles de la Cité.