De par sa création soudaine et magique, la Boule regorge d’aberrations toutes plus bizarres les unes que les autres. Des créatures que le grand zoologue Lörni Thorink s’est évertué à répertorier tout au long de sa vie. Malheureusement ses travaux et lui-même furent considérablement réduits alors qu’il traversait le terrain de chasse d’une Morue des marais.
Le Louphoque
Dans le Nörskland et plus précisément dans toutes les régions polaires et très froides cohabitent deux grandes espèces, les loups et les phoques. Jusque là, il n’y a certes pas de quoi fouetter un chat sauvage mais lorsque les deux animaux s’unirent, cela donna une drôle de créature mi-loup, mi-phoque et re-mi-loup derrière, le louphoque.
D’après la légende, à une époque lointaine, deux peuplades barbares se partageaient le Nörskland. D’un côté les Lykans, vivant dans la forêt et vouant un culte aux loups et de l’autre les Ømös vivant sur la banquise et vénérant l’esprit du phoque [1]. Les deux tribus étaient rivales car leurs modes alimentaires respectifs bafouaient les croyances mystiques de l’autre. En effet, les Lykans chassaient le phoque qui leur procurait huile, fourrure et viande tandis que les Ømös faisaient exactement la même chose mais avec les loups.
Les deux peuples se détestant comme rarement la haine a pu faire se haïr deux tribus, une guerre éclata, sournoise, macabre. Les grands penseurs des deux parties [2] établirent une stratégie incroyable, basée sur l’éradication de l’espèce vénérée par l’autre. Ainsi, chaque camp organisait des raids pour massacrer sans remord les phoques ou les loups pour énerver l’adversaire. Une sublime démonstration de la bêtise barbaresque.
Alors que la guerre faisait rage et que loups et phoques se retrouvaient au bord de l’extinction, Espéha la déesse des animaux descendit sur la Boule. A elle seule elle ne pouvait mettre fin au conflit [3] qui opposait les Lykans aux Ømös et dont se délectaient quelques sombres dieux chaotiques. Elle eût cependant une idée tout à fait géniale, faire s’unir un phoque et une louve pour sauvegarder les deux espèces. Naquirent alors les deux premiers louphoques et lorsqu’ils se montrèrent aux yeux des barbares, ceux-ci se décidèrent enfin à faire la paix [4] comprenant qu’il y avait une autre issue à ce conflit. En guise de traité de paix, le chef de la tribu des Lykans épousa la plus belle fille de la tribu Ømö et les deux peuplades ne firent plus qu’une seule, adorant un animal unique, le louphoque. Ce mélange culturel n’amena toutefois pas les barbares à adopter un régime végétarien et comme désormais le louphoque mettait tout le monde d’accord sur le plan spirituel, il n’y avait plus aucune raison de voir d’un mauvais œil la chasse aux loups et aux phoques qui perdirent à jamais ce statut enviable d’animal protégé.
[Un chasseur Nörsklandais]
Aujourd’hui, Lykans et Ømös ont disparus de la Boule, assimilés à d’autres peuples ce qui a permis aux loups et aux phoques de finalement survivre. Le louphoque, lui, malheureusement doit faire face à bon nombre de chasseurs depuis que l’on s’est aperçu que sa viande avait des propriétés magiques [5]. Il n’est toutefois pas menacé d’extinction car sa robustesse (4 à 6 mètres pour 350 kilos) et le fait qu’il soit carnivore en font un adversaire redoutable.
Le louphoque n’est toutefois pas dangereux pour l’homme et n’attaque que s’il se sent menacé. Aussi à l’aise dans l’eau que sur terre, il n’est pas rare d’en croiser dans les forêts du Nörskland. Pour beaucoup de ceux qui ont eu l’occasion de voir cet animal, il n’y a pas plus bizarre. Loufoque est même devenu un adjectif de la langue commune awhanienne pour définir quelque chose de terriblement saugrenu.
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[1] Peut-on rire de tout ? J’espère…
[2] Rappelons que la pensée des barbares du Nörskland n’atteint jamais des sommets.
[3] Sinon elle serait aussi déesse de la diplomatie mais elle a déjà assez de travail comme ça avec les animaux de la Boule à préserver.
[4] Beaucoup de barbares sombrèrent alors dans la dépression.
[5] La viande de louphoque guérit les tendinites.